Israël est passé en quelques décennies d’un pays structurellement en stress hydrique à une référence mondiale en dessalement, irrigation économe et recyclage des eaux usées, au point de couvrir aujourd’hui la majorité de ses besoins domestiques et agricoles par des ressources « fabriquées ».
Cette réussite repose sur un État stratège (Israel Water Authority), un écosystème d’entreprises innovantes et une culture d’ingénierie frugale dont Caroline Yadan, Daniel Rouach, Henri Cukierman et l’association France–Israël veulent précisément mettre en lumière lors d’une Journée de l’eau à l’Assemblée nationale.aujourd'hui .
D’un pays aride à une puissance hydrique : Dès les années 1950–1960, Israël se construit avec une contrainte majeure : peu de pluie, forte variabilité inter-
annuelle et croissance démographique rapide, ce qui oblige l’État à planifier très tôt un « mix hydrique » combinant transfert d’eau, économies et technologies. La création d’un régulateur central, aujourd’hui l’Israel Water Authority, permet d’unifier la gestion des nappes, du Jourdain, du lac de Tibériade et des ressources non conventionnelles (dessalement, eaux usées traitées), en fixant tarifs, investissements et priorités sectorielles.
Cette approche est portée politiquement comme une question de sécurité nationale, ce qui garantit une continuité des politiques publiques au-delà des alternances, et explique la très forte acceptabilité sociale de la tarification et de la réutilisation des eaux usées pour l’agriculture. Le résultat est un découplage spectaculaire entre croissance économique et prélèvements dans les ressources naturelles renouvelables.
Les usines de dessalement de Hadera et Ashkelon; Le pivot du système israélien depuis les années 2000 est le dessalement d’eau de mer sur la côte méditerranéenne, via de grandes usines en osmose inverse réalisées en partenariat public‑privé avec des entreprises comme IDE Technologies. L’usine d’Ashkelon, mise en service en 2005, a été l’une des plus grandes au monde, produisant aujourd’hui environ 118 millions de m³ d’eau potable par an, soit près de 15% de la consommation quotidienne du pays.
Plus au nord, l’usine de Hadera, opérationnelle depuis 2009, fournit environ 137 millions de m³ par an (environ 525 000 m³/jour), ce qui permet d’alimenter plus d’un million de personnes en eau potable, avec des standards élevés d’efficacité énergétique. Ces installations s’inscrivent dans un réseau de plusieurs usines (Sorek, etc.) ; ensemble, elles couvrent désormais une large part, parfois estimée à plus des deux tiers, des besoins en eau municipale et industrielle du pays, en réduisant fortement la dépendance aux pluies.
Le goutte-à-goutte et la révolution agricole: La réussite israélienne ne repose pas seulement sur l’augmentation de l’offre, mais sur une réduction drastique de la demande, surtout en agriculture, grâce au goutte‑à‑goutte et à l’irrigation de précision. Inventé en Israël dans les années 1950–1960, ce système amène l’eau directement au pied de la plante à très bas débit, souvent couplé à la fertigation (apport d’engrais via l’eau), ce qui permet de limiter l’évaporation et les pertes par infiltration profonde.
Aujourd’hui, la quasi‑totalité des cultures irriguées du pays utilise des formes de goutte‑à‑goutte ou de micro‑aspersion, pilotées par capteurs et logiciels qui ajustent les volumes en fonction des besoins, ce qui permet de produire davantage par mètre cube d’eau que dans la plupart des agricultures méditerranéennes. De nombreuses entreprises israéliennes exportent ces technologies vers l’Inde, l’Afrique, l’Amérique latine et même l’Europe, ce qui contribue au statut de « premier de cordée » mondial en irrigation efficiente.
Le recyclage des eaux usées, atout décisif, autre pilier : le recyclage massif des eaux usées urbaines, qui sont captées, épurées et réutilisées principalement pour l’irrigation, ce qui soulage les ressources naturelles. Plus de 80% des eaux usées domestiques israéliennes sont traitées et réutilisées, un taux qui place le pays très largement en tête des nations de l’OCDE, loin devant la moyenne mondiale.
En 2015, environ 86% des eaux usées étaient déjà recyclées pour l’agriculture, ce qui permet d’arroser une grande partie des terres cultivées avec de l’eau non conventionnelle, tout en réservant l’eau dessalée ou naturelle aux usages domestiques et industriels sensibles. Cette stratégie ferme la boucle : l’eau potable distribuée en ville revient comme ressource pour les champs, dans un modèle quasi circulaire qui maximise chaque goutte.
Gouvernance, entreprises et coopération avec la France, la performance israélienne tient à l’articulation fine entre régulation publique, investissements massifs et dynamisme d’entreprises spécialisées (dessalement, capteurs, membranes, valves intelligentes, logiciels de gestion de réseaux).
L’Israel Water Authority fixe le cadre, sécurise la demande d’eau dessalée à long terme, soutient la recherche et garantit la rentabilité des projets de type BOT, ce qui attire capitaux privés et expertise internationale.[
Dans ce contexte, des acteurs comme Caroline Yadan, Daniel Rouach, Henri Cukierman et l’association France–Israël peuvent jouer un rôle de courroie de transmission entre écosystèmes français et israélien : organisation de missions parlementaires, promotion de projets communs entre entreprises des deux pays, partage d’expérience sur la tarification de l’eau, le pilotage des grands ouvrages et la réutilisation des eaux usées.
Pour une Journée de l’eau à l’Assemblée nationale, l’exemple de Hadera et Ashkelon, du goutte‑à‑goutte et du recyclage massif constitue un récit cohérent montrant comment un pays passé par la pénurie est devenu, par volonté politique et innovation, l’un des leaders mondiaux incontestés de la gestion intégrée de l’eau.