Rechercher dans ce blog

jeudi 27 novembre 2025

Pourquoi le Drône israélien est particulier ! JBCH. N° 672

L’essor fulgurant d’Israël dans les drones est spectaculaire; rappelons l’erreur stratégique voire tragique du Quai d’Orsay en 2013 qui a bloqué un partenariat Dassault–Israël, les conséquences se font sentir aujourd'hui un retard français devenu irrattrapable, notamment dans les drones suicides et de renseignement, le tout guidé par une intelligence artificielle maison.




À Tel-Aviv, l’exposition internationale consacrée aux drones ressemble à une démonstration de force. Chaque soir, les Israéliens voient à la télévision les images de ces engins frappant des cibles à Gaza ou au Liban : drones d’observation, munitions rôdeuses, essaims autonomes. 

La guerre de demain 

Cette omniprésence n’est pas un hasard : Israël s’est imposé comme l’un des quatre géants mondiaux du drone, aux côtés des États-Unis et de la Chine ... et de l'Ukraine !  Une domination technique, industrielle et opérationnelle. Et un contraste brutal avec la France, qui a manqué le tournant technologique en 2013.


Cette année-là, Dassault propose de développer en France une gamme de drones militaires sous licence israélienne, notamment auprès d’Israel Aerospace Industries (IAI). La technologie est mature, éprouvée en opération, et immédiatement intégrable dans les systèmes français. Mais le Quai d’Orsay, alors que le besoin était critique, surtout pour surveiller le Mali,  oppose un veto net, craignant des « dépendances » et des « complications diplomatiques ». Résultat : l’industrie française reste sur des programmes nationaux lourds, lents, coûteux et arrive trop tard.


Douze ans plus tard, le verdict est sans appel : le retard est devenu irrattrapable. Israël a transformé son avance en hégémonie.


Essain de dônes 

Dans les halls du Salon de Tel-Aviv, la diversité des acteurs impressionne : IAI, Elbit, mais aussi une constellation de start-up spécialisés dans les niches les plus innovantes. Israël domine aujourd’hui trois segments clés : Les munitions rôdeuses, ces « drones suicides » capables d’attendre la cible avant de la frapper avec précision. Les mini-drones tactiques portables à dos d’homme, silencieux, résistants au brouillage. Les drones MALE (moyenne altitude, longue endurance), essentiels pour le renseignement.

Héron israélien


Des engins comme le Spy X, déjà fabriqué au Maroc, ou les Heron, loués par l’Allemagne, ont permis à Israël de multiplier les percées diplomatiques au Moyen-Orient, en Europe et en Asie. Les États-Unis eux-mêmes s’approvisionnent auprès de sociétés israéliennes comme Xtend, qui développe des essaims low-cost pour les guerres urbaines.


Drones urbains pour la police en Israël


L’Allemagne renouvelle un contrat proche du milliard d’euros pour les Heron. L’Inde, les États-Unis, la Suisse, les Philippines figurent parmi les clients réguliers. Même les autorisations d’exportation ont été assouplies : 120 pays sont désormais accessibles aux industriels israéliens.



La France, elle, dépend toujours de matériels américains ou de solutions hybrides, faute d’avoir lancé à temps une filière compétitive. Les programmes MALE franco-allemands, retardés, n’ont jamais comblé l’écart. Quant aux drones suicides, ils n’existent tout simplement pas dans l’arsenal français.

Drônes d'observation


En 2013, Dassault proposait un partenariat rapide, solide, et immédiatement opérationnel. Le Quai d’Orsay l’a bloqué. Douze ans plus tard, le marché mondial des drones pèse des dizaines de milliards d’euros par an. Israël occupe le sommet, la France tente de rattraper son ombre. 


Dans la guerre des airs du XXIe siècle, le rendez-vous manqué de 2013 restera l’un des grands ratés stratégiques français.






mercredi 26 novembre 2025

La Belgique bloque l'Europe. JBCH N° 671

L'Histoire des avoirs russes bloqués en Belgique démontre une désunion totale de l'Europe. L'Europe avec ses députés corrompus par les russes, l'Europe avec des partis vendus à Poutine, l'Europe avec trois pays : Slovaquie, Hongrie et Tchéquie réellement pro-russes, 


Voila que pendant que Trump essaye de mettre la main sur ces avoirs (200 Milliards d'Euros) La Belgique bloque l’Europe : Pourquoi ces divisions, au travers des pressions russes et crise stratégique européenne.




La crise ukrainienne, loin de s’atténuer, révèle plus que jamais l’ampleur des fractures internes de l’Union européenne. Au cœur du blocage actuel : la Belgique, qui refuse de se rallier au plan européen visant à mobiliser les intérêts générés par les avoirs russes gelés afin d’accorder un prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine. 


Ce refus, porté par le nouveau Premier ministre Bart De Wever, crée une onde de choc géopolitique majeure : jamais depuis 2014 l’Europe n’avait semblé aussi divisée face à la Russie.



Cette paralysie est d’autant plus préoccupante que le Kremlin multiplie les stratégies d’ingérence dans toute l’Union. Désinformation, financement de partis populistes, création de réseaux politiques pro-Moscou : la mécanique est installée et fonctionne. 


En France, la présence du Rassemblement national et de La France insoumise, deux partis farouchement opposés à l’aide militaire à l’Ukraine et au consensus stratégique européen, illustre parfaitement cette fracture. Partout, Moscou théorise et alimente la fragmentation européenne en soutenant – parfois ouvertement, parfois indirectement – des forces opposées à Bruxelles.




Dans ce contexte, la récente intervention de Kaja Kallas, nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, a mis en lumière la profondeur du malaise. Lors d’une réunion privée à Strasbourg avec les députés du PPE, elle a défendu avec vigueur, certains diront avec dureté le projet de prêt à l’Ukraine. 


Plusieurs députés ont quitté la salle déstabilisés. Pour Mme Kallas, l’argument belge repose davantage sur la peur que sur la réalité juridique. Elle a rappelé que la Russie n’a, selon elle, aucune base légale pour contester ce mécanisme devant un tribunal international : « À quel tribunal la Russie va-t-elle s’adresser ? Quel juge statuerait en sa faveur ? » aurait-elle lancé.



Elle a cité un précédent historique : l’obligation faite à l’Irak de payer plus de 50 milliards de dollars de réparations au Koweït après 1990. Une manière de souligner que lorsqu’un État viole le droit international et mène une guerre d’agression, l’ordre juridique mondial n’est plus neutre.




Mais la réaction des députés européens montre que la mécanique est loin d’être convaincante. Certains ont jugé son ton « condescendant » ou « incroyable ». D’autres ont souligné qu’elle mettait en avant ses origines estoniennes pour revendiquer une meilleure compréhension psychologique et stratégique de la Russie que les Belges : un argument sincère mais politiquement explosif. 


Pour la Belgique, qui abrite Euroclear, l’une des plus importantes infrastructures financières mondiales, le risque est réel : représailles russes, attaques juridiques ciblées, pressions hybrides… Ce sont les actifs belges qui serviraient de première ligne de front.



Bruxelles, loin de se cacher derrière une posture idéologique, défend ici des intérêts légitimes : incertitudes juridiques inédites, absence de précédent judiciaire, exposition financière disproportionnée. Et surtout : personne ne sait encore comment réagiraient les juridictions internationales si la Russie décidait de contre-attaquer sur le terrain du droit.



Pour l’instant, malgré les pressions, la Commission n’a pas trouvé de compromis. Kaja Kallas organise une nouvelle vidéoconférence des ministres des Affaires étrangères, mais rien n’indique qu’un consensus émergera rapidement. L’Europe reste donc divisée, au moment même où l’Ukraine s’apprête à entrer dans une nouvelle phase critique de la guerre.


Pendant ce temps, la « coalition des volontaires » une initiative parallèle portée par plusieurs États membres tente de faire vivre une dynamique d’aide à Kyiv. Ursula von der Leyen parle de « progrès solides et encourageants ». Le président Zelensky, désormais, se dit même prêt à rencontrer Donald Trump, signe de l’urgence ressentie à Kyiv alors que l’aide américaine demeure incertaine.


Cette crise révèle finalement plusieurs réalités brutales :

  1. L’Europe est loin d’avoir une ligne stratégique commune sur la Russie.
    Entre l’Est traumatisé, l’Ouest prudent et le Sud indifférent, l’Union peine à parler d’une seule voix.

  2. La Russie réussit partiellement sa stratégie de division.
    Le financement direct ou indirect de partis radicaux, l’orchestration de campagnes d’influence, l’ingérence numérique et politique affaiblissent durablement la cohésion européenne.

  3. Les institutions européennes manquent d’outils juridiques pour gérer des situations inédites, comme l’utilisation d’actifs gelés à grande échelle.

  4. La solidarité financière est plus fragile qu’elle n’y paraît.
    Demander à la Belgique de prendre un risque démesuré pour le compte de l’ensemble de l’Union montre les limites de la méthode actuelle.

  5. Trump dans son projet de cessez-le-feu veut pirater 100 milliards pour que les USA reconstruisent l'Ukraine , c'est un véritable kidnapping ... aux européens de négocier  Le montage pourrait accorder aux États-Unis un contrôle stratégique important sur la reconstruction, les infrastructures clés, l’énergie ou les ressources naturelles, ce qui inquiète quant à l’indépendance économique future de l’Ukraine.



Au fond, ce blocage n’est pas seulement une querelle budgétaire ou juridique : c’est un révélateur de la crise d’identité stratégique que traverse l’Europe. 


Une Europe qui veut devenir une puissance, mais qui n’a pas encore défini le prix qu’elle est prête à payer pour l’être. Si elle ne parvient pas à surmonter cette nouvelle épreuve, c’est non seulement l’Ukraine qui en souffrira, mais l’ensemble du projet européen.




mardi 25 novembre 2025

Meta, Hyperion ... l'avance des USA et le retard européen JBCH N° 670

Celui qui possèdera le plus de Mega data Centers sera le maître absolu ... car maître de l'Intelligence Artificielle ... L'Europe est très en retard.


Meta (Facebook) est en train de pousser l’ingénierie financière à un niveau rarement atteint dans le secteur technologique. Avec son gigantesque centre de données Hyperion, construit en Louisiane pour un montant record de 27 milliards de dollars, le groupe parvient à déplacer l’ensemble du projet hors de son propre bilan. 


Le montage repose sur une joint-venture avec Blue Owl Capital, dans laquelle Meta ne détient officiellement que 20 %. À la clé, un paradoxe qui arrange tout le monde : les investisseurs pensent être protégés par Meta, Meta profite d’un financement massif sans alourdir ses comptes, et la notation quasi irréprochable du groupe reste intacte.


Ce tour de passe-passe comptable n’a pourtant rien d’anodin. En réalité, Meta conserve l’essentiel du pouvoir économique sur Hyperion. C’est elle qui possède le savoir-faire opérationnel, dirige la construction, supporte les dérapages de coûts et assure la performance technique d’un site ultra-stratégique pour son développement en intelligence artificielle. 



Elle offre même une garantie de valeur résiduelle aux détenteurs d’obligations, couvrant l’intégralité des sommes dues si elle décidait de ne pas renouveler son bail. Officiellement, Meta soutient qu’elle ne contrôle pas les activités « qui influencent le plus la performance économique » de la coentreprise. Pour en croire les règles comptables, il faudrait pourtant admettre que Blue Owl, simple investisseur financier, en saurait davantage que Meta sur la conduite d’un centre de données hyperscale.


Reste la question du bail, limité à quatre ans  par tranches de même durée. Meta soutient qu’une prolongation n’est pas « raisonnablement certaine ». C’est à peine crédible pour une infrastructure aussi lourde, essentielle à ses ambitions dans l’IA et déjà réalisée en grande partie selon ses standards. 


En refusant d’admettre cette quasi-certitude de prolongation, la société évite de comptabiliser des engagements nettement supérieurs. Et en même temps, elle affirme qu’il est improbable qu’elle ait un jour à honorer la garantie donnée aux créanciers. Les hypothèses se contredisent les unes les autres, mais permettent au groupe d’obtenir le résultat comptable recherché : garder l’endettement hors champ.


Ce type de montage illustre la puissance du capital américain, capable d’assembler en quelques semaines une structure démesurée mobilisant des dizaines de milliards de dollars, des investisseurs institutionnels globaux et des interprétations audacieuses des normes.


 L’Europe, de son côté, n’est plus seulement en retard sur le plan technologique ; elle l’est aussi dans la capacité à soutenir des infrastructures de taille équivalente par son propre marché financier. 


Aucun acteur européen ne pourrait aujourd’hui déployer un tel projet en s’appuyant sur une telle profondeur de capital ni sur une flexibilité comptable comparable. Les géants du Vieux Continent n’ont ni le volume d’investisseurs prêts à absorber ce genre d’opérations, ni l’appétit réglementaire pour tolérer des structures si ambitieuses et si agressives.


Ce décalage se traduit directement dans la compétition mondiale pour l’IA. Les centres de données sont l’oxygène de l’économie algorithmique. Meta, Amazon, Google ou Microsoft annoncent chaque année des dizaines de milliards d’investissements dans leur capacité de calcul, souvent appuyés par des partenariats financiers sophistiqués qui accélèrent encore le rythme. 


À l’opposé, l’Europe peine à faire émerger ne serait-ce qu’une poignée de projets hyperscale comparables, faute d’un écosystème financier suffisamment puissant, faute aussi de réglementations adaptées. Même les initiatives publiques, comme les alliances industrielles ou les plans souverains, restent limitées face à l’ampleur des investissements américains.


Hyperion n’est donc pas seulement un cas d’école de comptabilité créative. Il symbolise un basculement profond : l’IA exige des capacités financières massives, une ingénierie sophistiquée et une maîtrise stratégique des données. 


Amazon avec Bezos avance aussi ses pions : 



Les États-Unis avancent avec une vitesse qui mélange innovation technologique et innovation financière. L’Europe, elle, observe depuis le bord du terrain une partie qui se joue sans elle, incapable pour l’instant de rivaliser. Ce n’est plus un retard ; c’est une rupture d’échelle.



Cette semaine Vayetse : Lea et Rebecca ... quelle histoire !! JBCH N° 669

La paracha Vayetsé s’ouvre sur un moment de tension dramatique : Yaakov quitte précipitamment Beersheva pour échapper à la colère d’Essav, frustré d’avoir perdu la bénédiction d’Isaac. 



Cette fuite n’est pas un acte de faiblesse ; elle traduit la lucidité d’un homme confronté à des forces qui le dépassent. Dans la Torah, fuir peut-être un acte de maturité : on s’éloigne pour mieux construire, pour préserver la vie et laisser au temps le pouvoir d’apaiser.


Aujourd'hui, ce récit résonne avec une intensité particulière pour Israël. Les frontières restent des zones de tension : Au sud, le cessez-le-feu fragile avec le Hamas est régulièrement mis à l’épreuve par des escarmouches meurtrières : Au nord, malgré l’accord de novembre 2024, les échanges de tirs avec le Hezbollah entretiennent le spectre d’un conflit élargi.


Dans la diaspora, la peur prend d’autres formes : l’antisémitisme s’est banalisé. Un rapport de 2025 indique que 83 % des étudiants juifs américains ont subi insultes, pressions ou intimidations depuis octobre 2023. À Paris, Londres ou New York, les agressions et profanations se multiplient. Le peuple juif, comme Yaakov, oscille entre prudence stratégique et résilience : il ne se laisse pas écraser par la peur, mais la transforme en vigilance et en cohésion.


En chemin vers Haran, Yaakov s’endort et reçoit l’une des visions les plus célèbres de la Bible : une échelle reliant le ciel et la terre, parcourue par des anges. Beit-El devient alors pour lui un lieu de promesse, la certitude qu’il n’est jamais seul. Ce rêve incarne l’union des contraires : le spirituel et le concret, le destin individuel et la mission collective.


Cette échelle symbolise aussi la relation complexe entre Israël et la diaspora. Alors que la population juive d’Israël dépasse les 7,76 millions et que la natalité croît malgré les crises, des fractures émergent. À New York, l’élection de Zohran Mamdani comme maire de la plus grande ville juive du monde, soutenue par une partie de la jeunesse juive progressiste critique envers Israël, provoque de vifs débats : certains y voient une remise en cause des valeurs sionistes, d’autres l’expression d’une quête de justice sociale.


Comme les anges montant et descendant, de nombreux jeunes Juifs naviguent entre attachement ancestral et regard critique moderne. Pourtant, le lien demeure : les études sociologiques montrent que, malgré les tensions, l’identité juive reste résiliente.
Vayetsé nous enseigne que la réconciliation n’est pas synonyme d’uniformité : elle est une ascension commune, une échelle à gravir ensemble.



Arrivé chez Lavan, Yaakov découvre un univers où les règles changent selon l’intérêt de l’autre. Il travaille sept ans pour épouser Rachel, mais Lavan lui substitue Léa lors du mariage. Il devra travailler sept années de plus. Cette tromperie n’est pas seulement un piège familial : elle est le symbole des contraintes imposées par des systèmes sociaux ou politiques qui cherchent à façonner le destin d’autrui.


Yaakov ne se laisse pas dominer : il répond à la ruse par l’intelligence, construit son indépendance et finit par prospérer.


Ce processus évoque les tensions internes qui traversent Israël aujourd’hui. L’un des débats les plus brûlants de 2025 concerne le service militaire des haredim, longtemps exemptés, alors que le gouvernement cherche à rééquilibrer l’effort national. Les manifestations massives montrent une société en lutte non contre un ennemi extérieur, mais contre la définition même de la solidarité interne.




Parallèlement, Israël continue d’innover : progrès spectaculaires en intelligence artificielle, recherches médicales sur le vieillissement, croissance démographique de 1,8 % par an. Comme Yaakov, Israël avance malgré les contraintes, s’adapte, invente.


Lorsque Yaakov quitte Lavan, il retourne vers Canaan porteur d’une appréhension profonde : la rencontre avec Essav. Il prépare des présents, organise sa défense, adresse à Dieu l’une des plus belles prières de la Torah. Il ne fuit plus : il transforme la confrontation en possibilité de paix.

De même, en 2025, Israël anticipe ses défis : négociations difficiles avec le Hamas, gestion des risques face au Hezbollah, lutte contre l’antisémitisme en Europe, en hausse de plus de 30 %.

La diaspora, blessée mais résiliente, cherche des voies d’unité et de responsabilité partagée.


Avec Vayetsé  on découvre un miroir avec notre actualité.  Vayetsé devient une grille de lecture de notre époque : la peur d’Essav : menaces extérieures ; l’échelle : liens fragiles mais essentiels entre Israël et diaspora ; Lavan : tensions internes, manipulations, nécessités d’adaptation ; la famille et la bénédiction : continuité et transmission ; la lutte et le retour : transformation, maturité, identité renouvelée.


Kislev 2025, c’est le mois des lumières, avec Hanoucca, alors que le monde oscille entre conflits, haine et incertitude, Yaakov nous rappelle que l’histoire juive est un chemin où la peur devient lucidité, l’exil devient mission et la fragilité devient lumière.

Puissions-nous porter cette lumière dans nos analyses, nos décisions et nos relations.

Am Israël Haï.



lundi 24 novembre 2025

Israël va fabriquer toutes ses armes JBCH. N° 668

L’interview de Benyamin Netanyahou, révélant sa volonté de rendre Israël largement indépendant des fabricants d’armes américains, marque une rupture stratégique majeure. Depuis des décennies, l’État hébreu repose sur un partenariat militaire profond avec Washington : transferts technologiques, munitions, avions de combat, et systèmes d’armement de pointe. 


Cette dépendance n’a jamais été totale  Israël est l’un des pays les plus innovants du monde mais les limites imposées par l’administration Biden, puis par d’autres alliés comme l’Allemagne, l’Espagne ou le Canada, ont servi d’électrochoc. Pour Netanyahou, la leçon est claire : aucun pays, même allié, ne peut être une source d’approvisionnement totalement fiable en temps de guerre.



Cette ambition d’autonomie n’est pas nouvelle. Elle rappelle l’épisode du Lavi, l’avion de combat israélien de quatrième génération, annulé en 1987 sous pression directe des États-Unis, qui craignaient de voir Tel-Aviv devenir un concurrent industriel. 


Cet abandon forcé a laissé dans la mémoire stratégique israélienne une blessure durable : l’idée qu’une dépendance excessive envers Washington peut limiter la souveraineté militaire du pays. Depuis, Israël a développé des géants industriels comme Elbit et Rafael, mais n’a jamais retrouvé la capacité de produire entièrement ses propres avions de chasse.




Netanyahou veut précisément corriger cette faiblesse. Son projet consiste à établir des chaînes de production nationales pour les munitions aériennes, terrestres et navales, afin de remplacer les stocks américains tels que les bombes MK-84 ou les kits de guidage JDAM dont l’exportation a été restreinte. Le nouveau “Munitions Directorate” illustre cette volonté d’organiser, sur dix ans, une autonomie partielle, voire totale.




Mais l’équation est plus large. Produire des armes, oui. Produire des avions, beaucoup plus complexe. Israël pourrait chercher des partenariats extérieurs qui ne le menacent pas, notamment avec l’Inde, dont le programme aéronautique indigène (comme le Tejas) a subi des revers dont le prototype récemment écrasé à Dubaï. 



Une coopération israélo-indienne  déjà intense dans les drones, les radars et les missiles pourrait ouvrir la voie à un appareil co-développé, partageant coûts, technologies et marchés. L’Inde y gagnerait une expertise et une fiabilité qu’elle peine à atteindre seule ; Israël retrouverait une liberté aéronautique qu’il n’a plus depuis le Lavi.



Pour Washington, cette autonomie accrue ne sera pas accueillie avec enthousiasme. Les États-Unis craignent à la fois la perte d’influence stratégique et l’émergence d’un concurrent industriel. 



Mais du point de vue israélien, l’expérience des guerres récentes a montré que la survie nationale exige une capacité à combattre même lorsque les alliés hésitent. C’est cette logique de “peace through strength” que Netanyahou invoque : une paix durable ne peut reposer que sur une indépendance militaire réelle.



Au final, cette orientation ouvre une nouvelle phase de l’histoire stratégique israélienne : moins dépendante des grandes puissances, plus tournée vers l’innovation, les partenariats alternatifs et la reconstruction d’une autonomie que l’abandon du Lavi avait interrompue.






Israël : L'après guerre laissera des traces profondes JBCH N° 667

L’après-guerre : le prix d’une victoire écrasante d'Israël ... L'attaque du Hamas par des commandos d'assassins a fait 1 300 morts civils pour la majorité. Cette attaque une fois de plus a surpris les autorités, qui se sentaient supérieures ... Malgré une première surprise lors de la guerre de Kippour. 


Si Israël a éliminé le danger, avec une brutalité légitime, Il n'en reste pas moins du traumatisme qui va probablement s'étendre sur plusieurs générations, comme l'a été celui de la Shoah.




Dans un petit pays comme Israël, l’attribution d’un prix Nobel à l’un de ses citoyens est normalement célébrée comme une fête nationale. 




L’annonce, le mois dernier, que Joel Mokyr partageait le prix d’économie est pourtant passée presque inaperçue. En partie parce qu’elle coïncidait avec la libération des derniers otages vivants de Gaza et l’entrée en vigueur du cessez-le-feu : toute l’attention du pays était tournée vers cela. Joel Mokyr est aussi un critique virulent du gouvernement actuel ; les félicitations officielles n’étaient donc pas au programme.





Mais certains en Israël avancent une autre explication : Mokyr vit aux États-Unis depuis plus de cinquante ans. « Tout le monde ici adore Yoel », explique un économiste de l’Université hébraïque de Jérusalem, où il a étudié. « Il n’aurait jamais pu faire la même carrière s’il était resté en Israël. Il reste un Israélien fier et très lié à l’académie israélienne. Mais la peur d’une fuite des cerveaux est très présente en ce moment. »



Mais les massacres du Hamas le 7 octobre 2023 et tout ce qui a suivi ont aussi changé le rapport des Israéliens à leur propre pays. 



Certains se demandent si leur avenir se trouve encore ici. Israël a démontré ces deux dernières années une suprématie militaire éclatante sur ses ennemis. Mais l’avenir s’annonce fait de vigilance éternelle et de guerre plutôt que de stabilité durable : le cessez-le-feu à Gaza tient à peine, aucune solution globale avec les Palestiniens n’est en vue, et la politique est plus polarisée et extrême que jamais.




Au cours des vingt-cinq dernières années, quatre lauréats israéliens du Nobel d’économie avaient étudié ou enseigné à l’Université hébraïque. Un seul y est resté une fois sa carrière lancée.




« L’avantage économique et technologique d’Israël repose sur un nombre relativement restreint d’Israéliens qui sont essentiels à la recherche et à l’enseignement dans les sciences et la médecine – et qui pourraient tous trouver du travail à l’étranger sans difficulté », explique Dan Ben-David, économiste à l’université de Tel-Aviv. Il estime leur nombre à environ 300 000 personnes, soit seulement 3 % de la population. Pourtant, en 2024, le secteur technologique a représenté 59 % des exportations israéliennes de biens et services, et ses travailleurs sont extrêmement mobiles.




Les derniers chiffres du Bureau central des statistiques donnent matière à inquiétude. Pendant plus de dix ans, le taux d’émigration était resté bas (environ 40 000 départs par an). Mais en 2023, première année complète du gouvernement Netanyahou actuel, le nombre de départs a bondi de près de 50 % à 59 365. En 2024, première année complète de la guerre à Gaza, il a atteint 82 774.

Il est difficile de dire si ces chiffres traduisent une véritable fuite des cerveaux liée aux trois dernières années. Il est courant que des universitaires partent travailler à l’étranger pour un temps puis reviennent, note Dan Ben-David. « Mais anecdotiquement, nous entendons tous parler de collègues qui partent. »





En creusant les chiffres, on constate que 38 % des émigrants de 2024 étaient eux-mêmes arrivés en Israël depuis moins de cinq ans. Beaucoup faisaient partie de la vague d’immigration juive de Russie et d’Ukraine depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, explique Sergio Della Pergola, démographe israélien chevronné. « Pour nombre d’entre eux, Israël n’était qu’un refuge temporaire face à la guerre là-bas. Quand la guerre a commencé ici, ils sont repartis. Dans l’ensemble, le volume de départs n’a rien de surprenant après une guerre aussi longue. »

Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas craindre une fuite des cerveaux, ajoute-t-il. « Il y a des signes inquiétants : ceux qui partent sont en moyenne plus jeunes et plus diplômés, notamment de jeunes médecins. » Les Israéliens laïcs diplômés sont plus souvent opposés au gouvernement Netanyahou. Le secteur tech était en première ligne des manifestations contre ses réformes avant la guerre.

La souffrance palestinienne pèse peu dans leurs préoccupations. Ce qui les ronge, c’est une colère brûlante contre la polarisation d’Israël, qui n’a fait que s’aggraver ces deux dernières années. Beaucoup de jeunes professionnels laïcs ont passé des mois sous les drapeaux comme réservistes. Pendant ce temps, la communauté ultra-orthodoxe (14 % de la population, pilier de la coalition Netanyahou) refuse toujours de servir. Plus de 300 000 réservistes ont été mobilisés pendant la guerre à Gaza. Malgré les cessez-le-feu à Gaza et au Liban, l’armée prévoit de maintenir un niveau d’alerte élevé pour les années à venir ; beaucoup de réservistes devront donc encore effectuer deux mois de service en 2026, selon le général Benny Ben Ari, responsable des réservistes.

« Cela signifie que nous devrons accorder beaucoup plus d’attention à la fatigue des réservistes, trouver des moyens d’aider leurs familles, leurs entreprises et les étudiants qui ont perdu des années entières d’études à cause de la guerre », explique-t-il.

Les généraux israéliens insistent : augmenter les effectifs permanents de l’armée est crucial pour éviter une nouvelle attaque surprise comme celle d’octobre 2023. Mais cette stratégie a un coût pour la société israélienne, prévient Rachel Azaria, fondatrice d’une association qui soutient les familles de réservistes : « Ce sont aussi eux qui, dans la vie civile, portent l’économie israélienne sur leurs épaules – le secteur tech, l’université… »

Parallèlement, Israël traverse une crise psychologique nationale, estiment les experts. Difficile de mesurer précisément la part de responsabilité des massacres du 7 octobre 2023 et de la guerre qui a suivi. Selon l’armée, 21 soldats se sont suicidés en 2024 – le chiffre le plus élevé depuis 2011. Le colonel Yaakov Rothschild, chef du service de santé mentale de l’armée, conteste qu’il s’agisse d’une augmentation : l’armée est beaucoup plus grosse avec la mobilisation massive des réservistes. 


« On se focalise trop sur le trauma de combat et les suicides de soldats, alors que l’armée a les moyens de gérer cela », estime Doron Sabti, travailleur social. Il appelle à une réponse beaucoup plus large de la société tout entière. Le gouvernement a débloqué 1,9 milliard de shekels (environ 500 millions de dollars) pour la santé mentale depuis le début de la guerre, mais les professionnels estiment que ce sera insuffisant.

Un psychologue militaire conclut : « La queue de comète de cette guerre, c’est une société traumatisée. »