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dimanche 3 août 2025

Une Ukraine qui ne se met pas à genoux (FR). JBCH N° 178


Une cible stratégique à 1 000 km du front : 

un symbole de montée en puissance ukrainienne


Drone d'attaque longue distance ukrainien

Des  drones de la Direction du renseignement ukrainienne (HUR) ont frappé la raffinerie de Novokuibyshevsk, située dans l’oblast de Samara, à environ 900 km des lignes de front  . Cet acte frappe les esprits : Le choix d’une cible aussi éloignée démontre une capacité offensive renforcée, dépassant toutes attentes logistiques.


La raffinerie est l’un des dix plus grands sites de raffinage en Russie, avec une capacité annuelle de 8,8 millions de tonnes, soit environ 1,34 % du rendement national  .





Cruciale pour la production de carburant aéronautique de qualité RT, elle alimente notamment les avions Su‑27 et Tu‑22M3, utilisés dans les frappes sur l’Ukraine  .


L’impact psychologique est immédiat : monter jusqu’au cœur de la logistique russe, jusque dans une région paisible, est un message fort. 


L’attaque n’est pas seulement matérielle, elle est symbolique, et démontre l’évolution tactique des forces ukrainiennes vers une guerre asymétrique à longue portée.



Quelle importance économique et militaire ? Une vulnérabilité majeure exposée



L’arrêt partiel ou la destruction de cette raffinerie provoquerait plusieurs effets immédiats :


  • Sur le plan énergétique, une réduction durable de capacité (comme cela a déjà été observé sur la raffinerie voisine de Kuibyshev, où un des deux modules principaux a été mis hors service, réduisant la production de moitié) affaiblit la capacité russe à fournir du carburant aux armements et à l’économie civile  .
  • D’après des estimations récentes, les attaques menées entre janvier et mars 2024 ont déjà réduit la capacité de raffinage russe de 7 %, soit environ 4,6 millions de tonnes perdues, notamment dans les sites de Samara, Ryazan, Syzran… et surtout Kuibyshev/Novokuibyshevsk  .
  • L’impact militaire est clair : moins de carburant pour les avions de guerre, les hélicoptères, les véhicules blindés. Les frappes ciblant Novokuibyshevsk visent explicitement le carburant pour les avions de combat et supersoniques, réduisant la portée opérationnelle de l’armée russe  .






L’économie russe, dépendante à plus de 40 % de ses exportations d’hydrocarbures pour son budget fédéral, est particulièrement vulnérable à ce type d’action ciblée  . 


Le succès de ces attaques sape non seulement la capacité logistique, mais aussi les revenus tirés de l’exportation pétrolière, éléments vitaux pour soutenir l’effort de guerre.


Attaques ukrainiennes sur un convoi pétrolier



Conséquences globales et possibles répercussions géopolitiques



Effet domino sur la logistique militaire



Si Novokuibyshevsk reste endommagée, d’autres raffineries situées derrière l’Oural pourraient devenir des cibles prioritaires. 


Le fait qu’Ukraine touche des installations à plus de 1 000 km montre que des sites stratégiques comme Kazan, Omsk ou Tomsk peuvent être vulnérables.



Tension sur les marchés pétroliers



Des attaques répétées sur l’infrastructure énergétique russe peuvent générer une instabilité des prix mondiaux, affectant non seulement la Russie, mais aussi les pays acheteurs. 


Une baisse durable de la production raffinée pourrait impacter les prix du carburant international, amplifiant les tensions géopolitiques.


Bateau fantôme transportant discrètement du pétrole en Inde

l’Inde qui est devenu l’intermédiaire privilégie par Moscou en raffinant le pétrole russe pour les chinois et s’est vue imposer des taxes exorbitantes de 25% ! …




Pression sur le moral russe



Ces frappes affaiblissent le discours de la stabilité interne. Moscou prétend maintenir ses lignes arrière à l’abri. 


Mais les explosions visibles à Samara, ville à mille kilomètres du front, diffusées en vidéo et en images, démystifient ce récit et favorisent la perception d’un État vulnérable.



Adaptation du conflit



Ukraine affirme agir en représailles aux attaques russes sur ses villes, notamment après des bombardements de masse à Kyiv ayant fait des dizaines de morts  . 


Ce programme intensif de frappes sur l’infrastructure russe marque un tournant : la guerre entre dans une phase stratégique visant à affaiblir la machine de guerre adverse, bien au-delà des zones frontalières.


L’attaque sur la raffinerie de Novokuibyshevsk, l’une des plus puissantes de Russie, représente un tournant. 


D’une part, elle valide la progression logistique ukrainienne vers des frappes profondes et ciblées. 


D’autre part, elle met en lumière la vulnérabilité stratégique de la Russie, dont l’économie et la capacité militaire dépendent fortement de ses infrastructures pétrolières.

Si la capacité de production est durablement réduite, cela pourrait accélérer le déclin de la projection aérienne russe, tout en fragilisant son modèle économique. 


Mais cela pourrait aussi provoquer des représailles, une escalade énergétique et une augmentation des tensions au niveau international.


L’Ukraine confirme ici son passage à une guerre indigène et technologique : en frappant les arrières de l’ennemi, elle passe de la survie à la stratégie, forçant la Russie à défendre ses infrastructures vitales bien au-delà de la ligne de front.


Poutine n’a plus que quelques jours afin de répondre à l’initiative de Trump. 


L’ingéniosité technologique des ukrainiens n’est plus à démontrer et nous réservera de grosses surprises dans les prochains mois.


© 2025 JBCH. Reproduction interdite sans autorisation.





Les USA imposent 39 % de droits de douane à la Suisse (FR). JBCH N° 177

L’isolement helvétique à l’épreuve des rapports de force mondiaux


L’annonce récente de droits de douane américains atteignant 39 % sur les exportations suisses a résonné comme un coup de tonnerre dans la presse helvétique. 


Le Conseil  fédéral avait pourtant décidé d'acheter 36 avions de combat F-35A du fabricant Lockheed Martin et cinq unités de feu Patriot produites par l'entreprise américaine Raytheon, cela n’a pas suffi à calmer les prétentions de l’administration Trump.





Placé au centre de l’Europe, entre la France, l’Allemagne, l’Italie, l'Autriche et le Lichtenstein,  un pays de dix millions d’habitants, ayant quatre langues officielles, divisé en cantons indépendants réunis dans une Confédération,  est profondément dépendant de ses exportations (machines-outils, montres, produits pharmaceutiques, industrie d’armement et tourisme).



Cette mesure protectionniste américaine du 1er Août 2025 rappelle  crûment le jour de la fête de son indépendance, la fragilité stratégique d’un petit État seul face aux géants commerciaux mondiaux.





Pendant longtemps, la Suisse a cultivé un modèle d’indépendance : ni membre de l’UE, ni de l’OTAN, mais associée par de multiples accords bilatéraux. 


Ce modèle de “neutralité active”, valorisé pour sa stabilité et sa souplesse, semble aujourd’hui atteindre ses limites. 


Dans un monde devenu multipolaire, l’absence d’un poids politique collectif expose la Suisse aux décisions unilatérales de puissances comme les États-Unis ou la Chine, qui peuvent agir sans craindre de représailles.


La Suisse n’est pas un acteur isolé économiquement — elle est bien intégrée dans l’Espace Schengen et le marché européen via des accords bilatéraux — mais elle est isolée institutionnellement et politiquement, ce qui l’empêche de peser dans les négociations globales. 


Ce que démontre ce bras de fer douanier : Washington impose, Berne subit.


Karin Keller-Sutter Conseillère fédérale rejette cette position "absurde" et souhaite relancer les négociations.


Le dilemme stratégique : souveraineté ou influence ?


Face à cette vulnérabilité croissante, plusieurs voix s’élèvent en Suisse, non pas pour une adhésion immédiate à l’Union européenne, mais pour un repositionnement stratégique, plus aligné avec les grands blocs continentaux. La pression américaine agit ici comme un catalyseur. 


Les secteurs économiques, les milieux académiques et certains partis politiques suisses plaident pour un nouveau dialogue avec Bruxelles, voire pour une relance du débat sur l’adhésion, gelé depuis la fin des années 1990.


L’UE, malgré ses lenteurs et ses divisions, représente pour la Suisse un marché naturel, stable, transparent, avec lequel elle réalise plus de 60 % de ses échanges. 


Être membre de l’Union signifierait pour la Suisse l’accès automatique à la prise de décision, à la législation communautaire et aux mécanismes de défense commerciale. 


Cela éviterait des situations où Berne doit adapter ses lois à Bruxelles sans avoir voix au chapitre — comme c’est déjà le cas aujourd’hui.


D’un point de vue géopolitique, un rapprochement renforcé permettrait à la Suisse de renouer avec un multilatéralisme pragmatique, tout en conservant une partie de son autonomie dans les domaines sensibles (neutralité militaire, fiscalité, banques).


Pour l’Union européenne, la Suisse représente un atout de stabilité, de prospérité et de technologie de pointe. 


Son adhésion renforcerait la cohésion du bloc en Europe centrale et alpine, en intégrant une économie performante, mais aujourd’hui périphérique. 


Sur le plan politique, cela serait également un signal fort de cohésion face aux tentatives de fragmentation externe (pression russe, guerre commerciale transatlantique).



Vers une nouvelle ère helvétique ? 

Avantages, risques et scénarios



Une entrée de la Suisse dans l’Union européenne ne serait pas sans coûts : perte de souveraineté sur certains points de régulation, contribution budgétaire à Bruxelles, participation à des compromis politiques qui heurteraient parfois la culture consensuelle suisse. 


Le risque existe aussi de décevoir une partie de l’électorat très attachée à l’indépendance institutionnelle, notamment dans les cantons alémaniques plus conservateurs.


Mais face à cela, les avantages sont considérables :

  1. Poids collectif dans les négociations mondiales, notamment face aux États-Unis et à la Chine.
  2. Sécurité économique : accès garanti au marché intérieur européen, sans risque de ruptures unilatérales d’accords bilatéraux.
  3. Partage de la souveraineté sur les sujets globaux (climat, énergie, numérique, migration), plutôt qu’un isolement sans levier.



L’Union, quant à elle, bénéficierait d’un partenaire stable, économiquement robuste, technologiquement avancé, qui renforcerait son poids diplomatique et économique. 


Dans le contexte de Brexit et de montée des populismes, une adhésion suisse serait un signal positif pour le projet européen, une preuve que l’Europe reste attractive.


Le bras de fer douanier avec Washington souligne une réalité : la Suisse ne peut plus se permettre d’être seule dans un monde dominé par des blocs. 


Ce n’est plus un choix idéologique, mais une nécessité stratégique. 


Le moment est peut-être venu pour la Confédération helvétique de redéfinir son identité européenne. 


Non plus en marge, mais au cœur du projet commun, dans une position de force négociée, au bénéfice mutuel.


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samedi 2 août 2025

Connaissez vous le projet européen ACTUS ? (FR). JBCH N° 176

Le projet ACTUS : 

Symbole d’une ambition européenne en matière de défense



Le projet ACTUS, lancé en 2023 et financé en partie par le Fonds européen de la Défense (FED), est né d’une volonté croissante de l’Union européenne de bâtir une autonomie stratégique en matière de défense. 


Il s’inscrit dans une dynamique où l’Europe, fragilisée par les conflits en Ukraine, au Moyen-Orient et par la montée des tensions globales, tente de rattraper son retard technologique en matière d’armement, notamment sur le terrain des drones militaires.


ACTUS regroupe 30 partenaires industriels, dont des poids lourds européens comme Safran (France) et Intracom Defense (Grèce). 


Patroller


Lotus


Son objectif est clair : armer et certifier des drones tactiques comme le Patroller et le Lotus, afin d’en faire des outils adaptés à la guerre moderne. 


Le financement validé en mai 2024 par la Commission européenne représente 42 millions d’euros de fonds publics, auxquels s’ajoutent 17 millions apportés par sept États européens, portant le soutien total à 59 millions d’euros.


Dans ce cadre, la participation d’Israel Aerospace Industries (IAI), acteur clé de l’industrie de défense.


Bien que son intégration dans ACTUS ait été validée sur des critères techniques, cette décision soulève d’importantes questions politiques et morales au sein de plusieurs pays européens.


Comme L’Espagne la Belgique et l’Irlande dont la politique pro palestinienne est avérée, et l'hostilité envers israël virulente. C’est donc une alliance stratégique aujourd’hui controversée : entre efficacité militaire et tensions diplomatiques



L’inclusion d’IAI dans un contexte européen ne peut être bénéfique d’un  point de vue technologique, cette participation est cohérente : Israël est l’un des leaders mondiaux dans le développement de drones et de technologies de guerre électronique. 


Les compétences d’IAI peuvent indéniablement faire progresser les capacités européennes.



Ainsi, ACTUS se retrouve au cœur d’un paradoxe : comment prétendre à une autonomie stratégique européenne tout en s’appuyant sur des partenaires extérieurs engagés dans des conflits très critiqués sur le plan humanitaire ? 


La réponse de la Commission repose sur un argument d’efficacité : il s’agit de développer des outils de défense performants dans un contexte de guerre hybride et de compétition mondiale. Mais cela ne suffit pas à éteindre les critiques de certains pays hostiles à Israël! 

Quel avenir pour ACTUS ?




Le projet ACTUS pourrait devenir un test décisif pour la crédibilité de la défense européenne. S’il réussit techniquement, il démontrera la capacité de plusieurs États membres à s’unir autour d’une ambition militaire. 


L’avenir du projet dépendra donc de plusieurs facteurs : d’abord de la discrétion — ou non — de la participation d’IAI ; ensuite de l’évolution de la situation à Gaza et de la politique extérieure israélienne. 


En cas d’échec, le projet européen tombera à l’eau et sera évidemment récupéré par les industries américaines qui elles développent des projets similaires avec Israël?


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