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lundi 28 juillet 2025

Les Juifs et la Commune de Paris (1871)

Les Juifs et la Commune de Paris : entre engagement républicain et soupçons éternels


« Le peuple a conquis la République comme il a conquis la Bastille : pour y faire entrer la justice. »     

Victor Hugo, 1871


La Commune de Paris, cet éclatant mais tragique épisode de l’histoire française, a suscité passions, espoirs et terreurs. Dans cette effervescence révolutionnaire, la place des Juifs a été à la fois réelle, symbolique et… diabolisée. 





Si leur présence parmi les communards fut authentique, elle donna aussi naissance à une double imagerie : celle du Juif républicain engagé, et celle, plus sombre, du « Juif conspirateur », banquier ou révolutionnaire, bouc émissaire d’un ordre en crise.


Une fidélité républicaine : l’engagement juif dans la Commune


Certains Juifs se sont illustrés avec courage dans le mouvement communard. Le plus emblématique demeure Léo Frankel, hongrois et ouvrier joaillier, nommé délégué au Travail, à l’Industrie et à l’Échange – en somme, ministre du Travail de la Commune. Il symbolise à lui seul cette synthèse entre internationalisme socialiste et espoir d’un monde affranchi des inégalités.


À ses côtés, on trouve Napoléon Gaillard, élu du 11e arrondissement, Eugène Lisbonne, juriste républicain, ou encore des dizaines d’officiers de la Garde nationale d’origine juive. Leur motivation n’était pas religieuse — ces hommes étaient républicains, laïcs, parfois même athées. Leurs idéaux se nourrissaient de justice sociale, d’émancipation humaine, de solidarité populaire.


Et dans l’ombre, Karl Marx, bien que juif allemand, saluait la Commune comme « la forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat », dans son célèbre “Adresse du Conseil général de l’Internationale”. Il voyait dans Paris insurgée le précurseur de la révolution mondiale.



La laïcité, socle commun


Ce qui rapprochait ces Juifs engagés de la Commune, c’était une conception radicale de la République : laïque, sociale, universelle. Depuis leur émancipation en 1791, les Juifs français avaient massivement adhéré à l’idéal républicain, vu comme une libération face au carcan de l’Ancien Régime.


La Commune, en défendant la séparation de l’Église et de l’État, offrait aux Juifs une garantie précieuse : celle d’être citoyens à part entière, non plus tolérés mais intégrés. Elle incarnait une promesse d’égalité, loin des replis identitaires ou religieux.


L’antisémitisme renaît de ses cendres


Mais la défaite de la Commune, écrasée dans le sang par les Versaillais, déclencha une contre-offensive idéologique féroce. La droite monarchiste, catholique, antirépublicaine, ressuscita un antisémitisme ancien, désormais teinté de politique.


Dans des pamphlets et articles enfiévrés, les Juifs furent accusés d’avoir fomenté la révolte. Le banquier Rothschild,  et Péreire ,le député Crémieux, les « cosmopolites », les francs-maçons et les « internationalistes » juifs : tous furent dénoncés dans une rhétorique qui annonçait Édouard Drumont, son “La France juive”, et bientôt l’Affaire Dreyfus.


Même Jean Jaurès, figure intouchable de la gauche, mêlera parfois critiques du capitalisme et allusions aux banquiers juifs (les frères Pereire ou Fould), avant de se racheter très tardivement en rejoignant le camp dreyfusard.



1874  : Inauguration de la Grande Synagogue de la Rue de la Victoire à Paris





Colonisation, intégration, et fracture idéologique


C’est dans ce contexte que Crémieux — ministre et chef du Consistoire central proposa de donner la citoyenneté française aux  indigènes d’Algérie. En échange, ceux-ci devaient adopter un prénom français, abandonner la polygamie, et placer les lois républicaines au-dessus des lois religieuses.


Les Juifs acceptèrent massivement cette proposition. Ils firent le choix de l’assimilation républicaine. En revanche, la majorité des musulmans algériens refusèrent, plaçant la Charia au-dessus de toute autre autorité. Une fracture venait de naître, qui allait structurer l’histoire coloniale, puis postcoloniale, de la France.


Entre espoir et tragédie


La Commune a offert aux Juifs français un moment d’intensité républicaine, un instant de fusion avec les idéaux de progrès et d’égalité. 


Mais elle a aussi réactivé des peurs anciennes. Trop visibles dans la République, trop discrets dans leur foi, trop engagés à gauche ou trop puissants dans la banque : les Juifs furent accusés de tout et de son contraire.


La figure du Juif communard et celle du Juif capitaliste se sont confondues dans l’imaginaire antisémite. 


Le XXe siècle ne fera qu’amplifier cette contradiction tragique, jusqu’à la Shoah, avec l'horreur de la déportation soutenue par le régime de Pétain, sa milice et sa police.


Il faut relire ces pages avec lucidité. Comme l’écrivait Georges Clemenceau :


« L’antisémitisme est la forme la plus basse de l’imbécillité humaine. »


Et pourtant, 150 ans après la Commune, il est toujours là, et agit au grand jour, avec la complicité d'un parti politique , LFI,  qui fait le déshonneur de notre République laïque et indivisible.


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